Lettre d’information MIAS LLN/Namur : Mémoires 24/25

Lors des sessions de janvier, juin et septembre 2023, différent.es étudiant.es ont terminé leur parcours en présentant un travail de mémoire dont les qualités ont été soulignées par les jurys.

Les différents travaux sont présentés dans cette lettre d’information.

Nous vous en souhaitons une bonne lecture !

Si vous souhaitez davantage d’informations sur un de ces mémoires,
vous pouvez prendre contact avec Thierry Dock

Et bien sûr, félicitations encore aux mémorant.es
pour les travaux de recherche réalisés.






Entre soins et parentalité :
quels possibles pour les mères en psychiatrie ?
par BAIJA M’Barka et GREGOIRE Alexandra

Ce mémoire analyse la complexité de la parentalité pour des mères confrontées à des troubles psychiques dans le contexte de l’hospitalisation psychiatrique. Il s’appuie sur une méthodologie mixte qualitative et quantitative (entretiens semi-directifs, observations, questionnaire) et mobilise des concepts tels que la stigmatisation institutionnelle et l’institution totale (Goffman, 1975 ; 1968), la division sexuelle du travail et la violence symbolique (Bourdieu, 1998 ; 1993). A travers ces cadres d’analyse, la recherche met en lumière les rapports de pouvoirs qui peuvent limiter la marge de manœuvre de ces mamans.

Les résultats révèlent la souffrance liée à la séparation avec l’enfant, la fragilisation de l’identité parentale sous l’effet de la stigmatisation sociale et institutionnelle. Ces mamans vivent une « dépossession symbolique » de leur rôle parental. Leur parentalité est rendue invisible au profit de l’aspect médical. Celle des pères encore davantage. L’approche intersectionnelle adoptée, montre que les difficultés rencontrées résultent de l’imbrication de multiples vulnérabilités : maladie mentale, genre, précarité et isolement.

Les professionnels reconnaissent l’importance de soutenir la parentalité mais déplorent le manque de ressources et de formation. Le mémoire propose d’adapter les dispositifs (espaces dédiés, groupes de soutien, formation des équipes) dans une perspective de capabilités (Sen, 1999), et insiste sur la nécessité de lutter contre les préjugés pour reconnaître la double identité de patiente et de mère, condition essentielle au rétablissement.






Les jeunes actifs et le travail. Représentations croisées et transformations générationnelles de l’engagement professionnel.
par BALLANT Marie

Ce mémoire explore les dynamiques intergénérationnelles à travers le prisme du rapport au travail chez les jeunes actifs, en mettant en lumière les transformations de l’engagement professionnel.

Il s’appuie sur une approche compréhensive et qualitative, articulant entretiens semi-directifs, ancrage théorique et analyse réflexive. En croisant les apports de sociologues comme Méda, Vendramin, Bourdieu et Elder, il déconstruit les représentations figées des générations (X, Y, Z) et interroge les tensions et convergences autour du travail.

Le rapport au travail est envisagé comme une articulation entre sphères économique, personnelle, sociale et familiale, dans un contexte de mutations organisationnelles. L’analyse révèle que les jeunes actifs, loin d’être désengagés, aspirent à un travail porteur de sens, d’équilibre et de reconnaissance, tout en développant des formes d’engagement adaptées aux nouvelles réalités.

Des malentendus intergénérationnels émergent autour des postures, de la fidélité organisationnelle et de la relation à l’autorité.

Le rôle du cadre est repensé comme bâtisseur de ponts, médiateur et passeur de sens entre générations. La recherche souligne l’importance de politiques managériales contextualisées, visant à renforcer la coopération, la reconnaissance et l’engagement durable dans les organisations.






Résidents de longue vie, métiers en mutation : le vieillissement au prisme des pratiques éducatives. Enquête qualitative dans une institution pour personnes handicapées.
par BESSEMANS Jessyca

Ce travail de recherche est né d’une interrogation professionnelle et personnelle : que devient le métier d’éducateur lorsque les personnes accompagnées depuis longtemps vieillissent, perdent en autonomie, et parfois approchent la fin de vie ? Derrière cette question se dessine un double enjeu celui de préserver la qualité de vie des résidents et de soutenir les professionnels dans leur engagement sur la durée.

L’ensemble du mémoire a montré que le vieillissement des personnes en situation de handicap mental ne se réduit pas à un phénomène démographique. Il reconfigure en profondeur les pratiques éducatives, les repères professionnels et l’organisation institutionnelle. Les données recueillies révèlent que cette transformation touche toutes les dimensions du travail : l’éthos professionnel, la corporéité, l’attachement émotionnel et le care institutionnel. Ces quatre concepts se croisent et interagissent dans la réalité du terrain, dessinant un paysage à la fois complexe et riche en enseignements.

L’analyse met en évidence des différences marquées entre jeunes éducateurs et professionnels expérimentés. Les premiers, encore en construction, doivent affronter rapidement des situations émotionnellement lourdes et apprendre à poser les bonnes distances. Les seconds, forts de leur expérience, possèdent une vision plus nuancée du métier, mais peuvent ressentir une certaine lassitude face à l’évolution des cadres de travail. Dans les deux cas, l’engagement affectif envers les résidents est profond et perçu comme indispensable à un accompagnement de qualité, même s’il comporte des risques d’usure.

Le vieillissement agit également comme un révélateur des tensions entre valeurs professionnelles et contraintes organisationnelles. Les intentions sincères des éducateurs se heurtent souvent au manque de temps, aux priorités administratives et aux limites matérielles. Le care, au sens donné par Joan Tronto, est bien présent dans les gestes et les attentions du quotidien, mais il repose souvent sur des initiatives individuelles plutôt que sur une structure pensée pour le soutenir collectivement. Cette situation interroge la capacité des institutions à intégrer pleinement le vieillissement dans leurs modes de fonctionnement.






Quand accompagner laisse des traces :
L’éthos professionnel sous l’effet du traumatisme vicariant chez les travailleurs sociaux en Services Résidentiels Généraux.
par BOUGELET Mackenzie

Ce mémoire explore les effets du traumatisme vicariant chez les travailleurs sociaux exerçant en Services Résidentiels Généraux, dans le secteur de l’Aide à la Jeunesse. En s’appuyant sur une analyse qualitative de récits professionnels recueillis lors d’entretiens compréhensifs, il interroge la manière dont ces professionnels tiennent dans un métier traversé par des tensions éthiques, affectives et structurelles.

Le cadre théorique mobilisé articule quatre notions centrales : le traumatisme vicariant, l’éthos professionnel, l’engagement et la conversion vers un nouveau système de valeurs. Loin de considérer l’usure comme un échec individuel, cette recherche met en lumière les ajustements opérés face à l’exposition répétée à la souffrance, et les déplacements identitaires qu’elle peut provoquer. Elle montre aussi combien l’absence de reconnaissance, de soutien collectif ou d’espaces de régulation peut fragiliser le sens du métier. Des pistes d’action sont formulées à partir des constats du terrain, avec une attention particulière portée au rôle du cadre, à la formation initiale et à la nécessité d’instaurer des espaces où l’expérience professionnelle puisse être pensée, partagée et soutenue.






Partage du temps de travail,
un enjeu de revalorisation des métiers du lien.
par DESTRÉE Gauthier

Dans un contexte de mutations profondes du rapport au travail et de succession de crises (sanitaire, politique, géopolitique), ce mémoire s’attache à comprendre comment la réduction collective du temps de travail (RCTT) avec maintien du salaire et embauche compensatoire, peut contribuer à renforcer l’attractivité du métier de travailleur social. Face à une perte de sens, une pénurie croissante et une souffrance accrue dans les métiers du lien, cette recherche qualitative mobilise les concepts d’éthos professionnel et d’image-métier pour explorer ce que vivent les professionnels du terrain et les cadres. Le partage du temps de travail apparaît non seulement comme une mesure organisationnelle, mais aussi comme une réponse symbolique et concrète à une crise de sens. Lorsqu’il s’inscrit dans une dynamique institutionnelle cohérente, il favorise le sentiment d’utilité, le recul professionnel, et une forme de régénération. Toutefois, ses effets restent ambivalents s’il ne s’accompagne pas d’un allègement de la charge de travail et d’une redéfinition des finalités du travail social. Cette recherche met également en lumière l’évolution des attentes des jeunes générations, pour qui l’équilibre de vie et la quête de sens deviennent centraux. Ce mémoire plaide ainsi pour une approche globale de la revalorisation du métier, en articulant politiques publiques, pratiques managériales et engagement des acteurs du secteur.






Comment les réponses institutionnelles belges en matière d’accueil et d’accompagnement des réfugiés ukrainiens se différencient-elles de celles proposées aux migrants du tiers-monde, et quelles en sont les implications pour l’intégration sociale de ces deux groupes ?
par DIALLO Abdoulaye

Ce mémoire analyse les réponses institutionnelles belges différenciées en matière d’accueil et d’accompagnement des réfugiés ukrainiens par rapport aux migrants du « tiers-monde », ainsi que leurs implications pour l’intégration sociale. Le contraste entre la gestion des crises migratoires de 2015 et de 2022 révèle un « dispositif à double vitesse », offrant aux Ukrainiens un accueil rapide et structuré (protection temporaire, statut K), en contraste avec le parcours semé d’obstacles des autres migrants.

En mobilisant notamment Fassin (politique de l’inégalité), Agamben (vie nue), Cohen et Mathieu (paniques morales) ainsi que Figley (fatigue compassionnelle), l’analyse met en évidence une hiérarchisation des souffrances et une reconnaissance des récits conditionnées par l’origine, réduisant certains individus à une forme de « vie nue » qu’elle soit biologique ou morale.

La fatigue compassionnelle, renforcée par ces inégalités et par le contexte politico-médiatique, impacte négativement les pratiques humanitaires. Ces dynamiques entravent particulièrement l’intégration des groupes considérés comme les moins « légitimes ». Le mémoire plaide pour un accueil plus juste et universel, tirant parti des enseignements de 2022, malgré un contexte politique défavorable.






Comment les procédures d’immigration en Belgique influencent-elles la santé mentale des demandeurs de protection internationale, et quels enjeux cela représente-t-il pour les institutions chargées de leur accompagnement ?
par KARASULAR Zilan

Ce mémoire s’intéresse à la santé mentale des demandeurs de protection internationale en Belgique dans le cadre des procédures d’immigration. Il combine les récits de vie des demandeurs, les témoignages de professionnels travaillant avec ces demandeurs et les éclairages d’un acteur institutionnel à travers des méthodes qualitatives. L’objectif est de comprendre comment l’incertitude, l’insécurité administrative et les restrictions d’accueil affectent la santé mentale des personnes concernées.

Dans le travail analytique, deux outils théoriques ont été utilisés : d’une part, l’approche des capabilités questionne la liberté réelle d’agir et de se reconstruire pour répondre à des besoins socio-psychologiques. En revanche, l’intersectionnalité prend en compte les discriminations qui s’entrecroisent (genre, origine, statut, orientation, handicaps) mais qui sont les conditions d’existence des demandeurs pour construire leurs identités. Les inégalités vécues ne sont pas appréhendées comme des accidents individuels mais comme le produit de mécanismes structurels. Les résultats de base montrent que, dans un système limité, il existe une tension entre les exigences administratives et les besoins psychosociaux des demandeurs de protection internationale et l’engagement des professionnels. Ce travail nous invite à penser l’accompagnement pour reconnaître la vulnérabilité, mais aussi les ressources et le pouvoir d’action des exilés.






Recherche-action et sanction restauratrice.
Un levier de changement en IPPJ :
La mise en œuvre des sanctions restauratrices à travers une démarche de recherche-action impliquant les éducateurs de la section fermée de l’IPPJ de Wauthier-Braine.
par KIRER Umut

Face aux limites des sanctions traditionnelles dans les IPPJ, ce mémoire explore la transformation des pratiques à travers une recherche-action centrée sur l’intégration des sanctions restauratrices. Il interroge les enjeux éducatifs, les résistances institutionnelles et les conditions nécessaires pour instaurer un cadre clair, responsable et respectueux des jeunes.

S’appuyant sur l’analyse des retours d’expérience des professionnels, cette recherche-action met en lumière l’importance d’une autorité légitime, d’une posture éducative cohérente, et d’une responsabilisation progressive des adolescents. Elle insiste également sur la nécessité d’un accompagnement collectif et d’une formation continue pour garantir l’appropriation durable de ces nouvelles pratiques. Elle propose ainsi des pistes concrètes pour accompagner un changement de culture institutionnelle, en favorisant une justice qui répare plutôt que punisse.






En quoi l’hybridation des rôles des professionnels peut-elle influencer le travail et la collaboration pluridisciplinaire dans les maisons médicales ?
par LAMARRE Pauline

Ce mémoire s’intéresse à l’hybridation des rôles des professionnels au sein des maisons médicales, un phénomène de plus en plus présent dans les structures fonctionnant en autogestion. En questionnant la manière dont cette hybridation influence concrètement le travail quotidien, les dynamiques collaboratives et l’identité collective des équipes, j’ai mobilisé trois concepts clés : l’identité collective, la collaboration pluridisciplinaire et l’hybridation des rôles, éclairés par différents auteurs.

J’ai adopté une approche méthodologique inductive fondée sur dix entretiens semi-directifs et deux observations de réunions, menés dans quatre maisons médicales situées en Wallonie et à Bruxelles. Cette méthodologie m’a permis d’explorer les effets concrets de cette recomposition des rôles sur les pratiques professionnelles et les modes de coopération. Enfin, je propose des pistes d’action et de réflexion à destination des cadres du non-marchand, avant de conclure par une analyse réflexive de ma posture de chercheuse.






La pair-aidance familiale au croisement des savoirs : entre empowerment et quête de légitimité dans le parcours de rétablissement.
par LEMESTRÉ Stéphanie

Cette recherche explore l’interaction entre les savoirs professionnels et les savoirs expérientiels des familles dans le champ de la santé mentale, en analysant la manière dont cette articulation influence la collaboration au sein du parcours de rétablissement. La recherche porte plus particulièrement sur le rôle émergent du pair-aidant familial, sa place au sein des équipes de soin, ainsi que sur le processus de construction de sa légitimité.

Le cadre théorique s’appuie sur les notions de pair-aidance, savoir expérientiel, empowerment et légitimité. La méthodologie retenue combine des entretiens et une observation de terrain, menée principalement à l’hôpital du Vinatier à Lyon. Ce travail met en évidence les tensions, mais aussi les apports liés à l’émergence d’un nouveau positionnement, situé à la frontière entre les mondes professionnels et familiaux, dans le champ de la santé mentale.






La pratique réflexive dans le métier de puéricultrice en crèche : quelle place et quelles formes peut-elle prendre au quotidien ? Quel rôle joue-t-elle dans la reconnaissance du métier selon les professionnels de la petite enfance ?
par MILISEN Marie

Ce mémoire explore la pratique réflexive et son lien avec la reconnaissance professionnelle dans le métier de puéricultrice en crèche. La question de recherche vise à déterminer la place et les formes que prend la pratique réflexive au quotidien, et le rôle qu’elle joue dans la reconnaissance du métier selon les professionnels de la petite enfance.

Le contexte de l’étude est le secteur de la petite enfance en Fédération Wallonie-Bruxelles, en particulier les crèches. Ce secteur fait face à des défis majeurs, notamment une pénurie de puéricultrices et un manque de reconnaissance du travail effectué. L’Office de la Naissance et de l’Enfance (ONE) est un acteur clé de ce secteur.

La recherche a adopté une méthodologie qualitative, principalement basée sur dix entretiens semi-directifs menés auprès de puéricultrices dans quatre crèches différentes.

Les résultats montrent que les puéricultrices s’engagent dans une pratique réflexive à plusieurs niveaux :

  • La pratique réflexive dite « sur l’action » se manifeste par la participation à des formations et évaluations, la documentation des pratiques via divers outils (tablettes, cahiers), l’analyse collective lors de réunions d’équipe ou de section, et l’évaluation continue des pratiques via des essais-erreurs.
  • La pratique réflexive dite « dans l’action » est une mobilisation complexe de divers savoirs ajustés en temps réel. Cela inclut le savoir-être (patience, bienveillance, empathie, rigueur, adaptation), les savoirs expérientiels (connaissances issues de l’expérience pour anticiper ou gérer des situations), les savoirs incorporés (gestes devenus automatiques, sens de la responsabilité et de la sécurité), les savoirs éthiques (posture non-jugeante, respect, gestion de dilemmes), les savoirs relationnels et communicationnels (verbalisation des émotions de l’enfant, ajustement aux interactions, collaboration avec les familles et collègues), et les savoirs contextuels et organisationnels (connaissance des protocoles, organisation, rôles, gestion urgences).

Concernant la reconnaissance au travail, elle est perçue positivement au sein des équipes (entraide, valorisation des qualités personnelles) et parfois par les parents (retours positifs sur les soins et le bien-être des enfants). Cependant, les puéricultrices expriment un manque notable de reconnaissance de la part de la hiérarchie supérieure et de la société en général. L’image du métier est jugée trop simpliste (réduite à « jouer » ou « changer des couches »), ne reflétant pas la complexité, l’expertise, et la responsabilité de leur rôle éducatif et relationnel. Le manque de moyens et un ratio d’encadrement jugé « ridicule » renforcent ce sentiment de dévalorisation.






Aux frontières du tableau noir : comprendre l’intégration scolaire des MENA à travers le dispositif DASPA.
par NZOLAMESO-BASIL Blaise

À 14, 15 ou 17 ans, les mineurs étrangers non accompagnés (MENA) arrivent seuls en Belgique, sans parents ni tuteurs. En Fédération Wallonie-Bruxelles, leur entrée dans l’école passe souvent par le Dispositif d’Accueil et de Scolarisation des Primo-Arrivants (DASPA). Ce mémoire analyse dans quelle mesure ce dispositif favorise leur intégration scolaire et quels leviers — explicitation des codes, reconnaissance des savoirs d’expérience, dialogue interculturel — peuvent renforcer leur engagement.

Ancré dans une double posture de chercheur et d’éducateur de terrain, il s’appuie sur l’observation de 66 élèves durant quatre mois, avec quelques interruptions, en classe et dans les interstices de l’école (couloirs, préaux, cour). L’enquête comprend sept entretiens avec des professionnels du DASPA (enseignants, éducateurs, assistante sociale, responsable DASPA) et l’analyse de documents, dans deux établissements aux logiques contrastées.

Le cadre théorique mobilise les capabilités (Sen), la violence symbolique (Bourdieu), le choc culturel (Cohen-Émerique) et la praxis dialogique (Freire). Les résultats mettent en évidence une ambivalence : dispositif sécurisant et levier linguistique essentiel, mais normes standardisées qui invisibilisent certaines singularités (par exemple, un « silence » pris pour du retrait est en réalité une marque culturelle de respect). Là où les codes sont explicités, les savoirs d’expérience reconnus et le dialogue encouragé, l’intégration devient vivante, réciproque et émancipatrice.






Comment l’économie morale impacte-t-elle l’encadrement des travailleurs accompagnant les personnes sans-papiers au sein d’un centre d’accueil de jour bas-seuil ?
par SCHILTZ Céline

Ce mémoire explore l’impact de l’économie morale sur l’encadrement des travailleurs accompagnant les personnes sans-papiers au sein d’un centre d’accueil de jour bas-seuil. Pour ce faire, il s’appuie sur une démarche qualitative, comprenant deux mois d’observation participante, une semaine de stage dans une association calaisienne et des entretiens semi-directifs.

Dans un contexte politique de plus en plus restrictif, l’économie morale, définie par Didier Fassin comme étant l’ensemble des valeurs, des normes et des affects qui légitiment et orientent les pratiques de solidarité, est mise en tension. Les travailleurs oscillent alors entre leur engagement personnel et les dilemmes qu’ils doivent affronter au quotidien. Les tensions, souvent nourries par des représentations ambivalentes du public des personnes sans-papiers, fragilisent le travail d’accompagnement. Les discours des travailleurs mélangent empathie et préjugés.  L’encadrement n’est donc plus seulement un relais des normes institutionnelles, il devient un traducteur moral, devant permettre d’arbitrer les conflits. Les pratiques d’encadrement restent fragiles et soumises à des obstacles systémiques importants (financement instable et insuffisant, manque de formation des travailleurs…). Il est crucial de mettre en lumière l’importance de protéger, encadrer et former ces travailleurs qui sont les « derniers garants de la tolérance et de la solidarité ».






Mise en lumière de facteurs influençant la soutenabilité du travail des entrepreneurs sociaux émergents.
par STUCKENS Isabelle

Ce mémoire met en lumière certains facteurs influençant la soutenabilité du travail des entrepreneurs émergents à partir d’un point de vue central : celui des personnes elles-mêmes, de leurs trajectoires, de leurs ressources et de leurs rapports subjectifs à l’engagement entrepreneurial. En ne se limitant pas aux dimensions structurelles ou organisationnelles, cette recherche a tenté de mettre en lumière ce qui permet ou ce qui empêche les entrepreneurs émergents de maintenir leur activité dans la durée.         

Les parcours analysés montrent que certaines ressources, souvent incorporées dès l’enfance ou acquises dans des contextes favorables, jouent un rôle décisif dans la capacité à exercer l’entrepreneuriat social.  A travers l’analyse de leur discours, il est apparu aussi que la soutenabilité du travail ne peut être pensée indépendamment des inégalités de détention et d’accès aux capitaux économiques, sociaux, culturels et symboliques. Les ressources manquantes doivent être compensées au prix d’un important travail d’adaptation. La soutenabilité s’est ainsi révélée être une construction socialement différenciée, étroitement liée aux dynamiques de reconnaissance, à l’accès à la légitimité et à la possibilité de donner du sens à son action.






Quels sont les effets des contraintes institutionnelles sur le sens du travail des assistants sociaux en première ligne des CPAS et quelles pistes de réflexion cette réalité ouvre-t-elle en termes de management ?
par TAGNON Alice

Ce mémoire a pour but d’analyser les effets des contraintes institutionnelles sur le sens du travail des assistants sociaux de première ligne en CPAS. Il commence par une contextualisation, en soulignant les tensions entre la mission d’aide sociale et les logiques d’activation, de performance et de gestion, en CPAS. S’en suit une analyse des défis actuels : croissance des demandes, surcharge administrative, complexification des dispositifs, pénurie de personnel et réformes structurelles en cours.

Le cadre théorique repose sur cinq dimensions structurantes du sens au travail :

  • Utilité sociale ;
  • Cohérence éthique ;
  • Reconnaissance ;
  • Autonomie/pouvoir d’agir ;
  • Dialectique souffrance/accomplissement.

La démarche méthodologique adoptée est qualitative, compréhensive et réflexive, fondée notamment sur des entretiens semi-directifs avec des assistants sociaux de première ligne de différents CPAS wallons. L’analyse des données met en évidence des tensions vécues au quotidien par les travailleurs sociaux interrogés, ce qui m’a permis d’aboutir à une proposition de piste d’action au niveau managérial.






Regarde dans ton assiette :
la Sécurité Sociale de l’Alimentation : une loupe dans toutes les assiettes au service d’un empouvoirement citoyen.
par THIÉRY Sarah

Regarde dans ton assiette. La Sécurité Sociale de l’Alimentation : une loupe dans toutes les assiettes au service d’un empouvoirement citoyen. Ce travail de mémoire se concentre sur l’empouvoirement des citoyen·ne·s au sein des expérimentations de Sécurité Sociale de l’Alimentation (SSA) en Belgique. Plus précisément, l’objectif était de répondre à la question suivante : « Comment l’empouvoirement des personnes et des organisations se traduit-il dans des expérimentations en sécurité sociale de l’alimentation en Belgique ? ». La méthodologie utilisée pour répondre à cette question s’est basée sur des recherches documentaires ainsi que sur les résultats d’entretiens semi-directifs avec des chercheur·se·s et professionnel·le·s lié·e·s à la SSA. Les principaux résultats de cette étude montrent que les travailleur·se·s de ce milieu professionnel s’appuient sur une identité militante et un capital culturel et social fort pour construire divers moyens au service de l’empouvoirement des citoyen·ne·s au sein d’un projet novateur. Ces professionnel·le·s travaillent dans un environnement où la Sécurité Sociale de l’Alimentation est à la fois un milieu professionnel et partie prenante d’un mouvement social.






À la rue malgré le droit, le non-accueil immédiat des hommes isolés, demandeurs de protection internationale. Vulnérabilités invisibilisées et stress induit des travailleurs sociaux :
une étude qualitative dans un centre croix-rouge ADA.
par UMURERWA Lydia

Ce mémoire analyse les effets du non-accueil des hommes seuls demandeurs de protection internationale (DPI) en Belgique, en dépit de la garantie légale d’hébergement. Depuis 2021, la saturation du réseau et certains choix politiques maintiennent ces hommes plusieurs mois à la rue, exposés à l’errance, à la violence quotidienne et à une vulnérabilité cumulée. Cette détérioration psychique et sociale rappelle qu’être un homme ne protège pas de l’usure liée à la vie sans abri. Les centres d’accueil, comme ceux de la Croix-Rouge ADA, reçoivent un public fragilisé, nécessitant un accompagnement plus complexe. Les travailleurs sociaux, confrontés à cette souffrance et aux contraintes institutionnelles, développent des réactions d’adaptation — confrontation, évitement ou paralysie — nourries par la charge émotionnelle et le manque de latitude d’action.
Les objectifs de l’analyse sont de comprendre ces mécanismes pour favoriser une posture réflexive, reconnaître la vulnérabilité spécifique et cumulative des DPI hommes, et améliorer les pratiques d’accompagnement. Ils visent aussi à mettre en place des stratégies de régulation face au stress relationnel, prévenir les risques psychosociaux et maintenir le sens du métier. Enfin, l’étude invite les institutions à réinterroger l’écart entre objectifs et moyens, afin de protéger à la fois la qualité de l’aide et la santé des professionnels, dans un cadre respectueux des valeurs du travail social.






Saturation face au changement et risques psychosociaux :
Étude au sein d’une organisation d’urgence sociale.
par VAN DER VORST Julien

Ce mémoire analyse comment des changements organisationnels peuvent engendrer une saturation propice aux risques psychosociaux (RPS) au sein d’une structure bruxelloise d’aide aux sans-abri. S’appuyant sur une méthodologie qualitative (entretiens, analyse documentaire, observation participante) et un cadre théorique mobilisant notamment Abrahamson, Bareil, Herbeuval, Karasek et Siegrist, l’étude met en évidence le « désordre organisationnel » comme principal facteur de saturation, amplifié par un accompagnement insuffisant. Les effets se traduisent par une hausse de l’absentéisme et du turnover, et renforcent le stress, le cynisme ainsi que l’épuisement professionnel. Deux phénomènes singuliers émergent : une « double contrainte émotionnelle » spécifique au travail social et un « bricolage organisationnel » mobilisé comme stratégie d’adaptation. Ces résultats invitent à repenser les pratiques managériales et les dispositifs de prévention afin de préserver la santé et l’engagement des intervenants sociaux.